Un nombre croissant de jeunes gens s’inscrivent dans Tinder dans l’optique de trouver autre chose qu’un echange de chlamydiae ou le grand amour. Rencontre avec ces usagers minimum ordinaires.
Par Anne-Sophie Faivre Notre Cadre, journaliste
« Tu souhaite qu’on aille boire 1 verre ? J’ai besoin de me faire des amis. » L’accroche de Louis, aussi franche qu’originale, surprend ses « matchs » Tinder qui, souvent, ne lui repondent que via un silence entendu.
Bonnes manieres, chemises proprettes et chaussures vernies, le jeune homme est « monte » a Paris depuis plusieurs mois.
« Je me retrouve seul, dans mes 9 metres carres, a tourner en rond. Je ne vais jamais au cinema ou a des expos – j’ai peur du regard des autres. Di?s que tu es seul, tu es i chaque fois suspect, ici. Aussi, toute la journee, je traine sur des e-boutiques de rencontre. Tinder, Happn, Once, tout y passe. Je me suis meme retrouve dans Meetic, aussi que je n’ai que 23 ans. »
La sites de rencontre pour les personnes qui aiment la fessГ©e totalite des amis de Louis sont restes a Angers. Sa petite bande, inchangee d’une primaire a la licence, aligne desormais les demis de cervoise au Bar du Centre, sans lui.
« Je passe pour immonde, aussi que j’ai juste besoin d’amis. J’habite capable de passer trois, quatre heures d’affilee a Realiser defiler les profils d’individus qui ne me parleront jamais. A force, J’me degoute moi-meme », soupire le jeune homme, entre ironie et desespoir. « Cela serait peut-etre temps libre que je rentre dans le Maine-et-Loire. »
« Ils crevent de solitude »
Meme refrain pour Alice, frele petit femme debarquee de sa Normandie natale a la faveur d’un stage en communication. « Paris me degoute », lache-t-elle d’une voix flutee, limite bien enfantine.
« Mes seules gens que je croise, ce sont faire mes collegues de bureau – qui m’exploitent – et tous ces internautes qui tirent la gueule dans le metro. »
Un apri?m dans deux, la petit fille donne rendez-vous a ses galants numeriques dans un sirop du XVIIIe arrondissement dans lequel nous nous sommes retrouvees, et ou i§a ne commandera rien – indemnites de stage obligent. « bon nombre de gens que je rencontre seront comme moi : ils crevent de solitude », observe-t-elle.
Pourtant, elle n’a revu que peu de ses rendez-vous. « Trouver des amis, c’est plus engageant que de denicher un simple plan cul. » La plupart d’entre eux ne l’ont pas rappelee, malgre plusieurs relances.
« C’est une humiliation permanente. Ils ne veulent meme jamais coucher avec moi, tu te rends compte ? On marche une bonne soiree, et puis plus pas grand chose. Je songe a arreter, mais si je n’ai environ rendez-vous, je n’ai environ vie sociale. »
Mal de demandes originales
De tels profils seront juges « plutot marginaux » avec Elie, grand utilisateur de Tinder devant l’Eternel.
« On trouve trois categories de nanas sur Tinder : celles qui viennent de rompre avec un mec, celles qui s’ennuient et celles qui recherchent un mec serieux », observe-t-il doctement – avant de perdre sa fiabilite.
« Alice, franchement, elle s’ennuie – mais je peux lui filer le numero d’un copain, si elle veut. »
Thomas, seduisant Parisien venu du grand nord, n’a jamais recu de nombreux demandes originales, « a part cette fille qui voulait promouvoir le compte Instagram ». Mes demandes les plus improbables semblent emaner des hommes : du « soumis professionnel » au grand blond reclamant « une baby-sitter Afin de changer ses couches ».
Trouver du taf via Tinder ?
Sur le profil Tinder, Camille pose dans des decors aseptises, l’air conquerant et le tailleur fraichement repasse. Apres six mois de chomage, la petit femme a decide de joindre l’utile a l’agreable en recherchant du bricolage concernant Tinder.
« Je cible l’ensemble des profils correspondant a ma branche. Apres le rituel “Salut, ca va ?”, la premiere question que je pose, c’est : “Est-ce qu’il y a du boulot dans ta boite ?” »
Ces recherches peu conventionnelles ont apporte lieu a deux entretiens formels, qui n’ont, helas, gui?re abouti. « Je m’en fous, je continue. J’suis sure que Tinder is the new LinkedIn », conclut-elle, un pas grand chose bravache.
« Il aurait fait un Tres bon mari »
Sarah a des amis, un « super boulot », mais aucune petit-ami en titre. Elle enrage :
« J’ai 35 annees et je viens d’une famille pied-noir. L’integralite des dimanches, entre le couscous et les baklava, j’ai droit a la meme question : “Ma fille, quand est-ce que tu nous propose quelqu’un ?” J’ai l’impression d’etre dans un mauvais remake de “Bridget Jones” facon “La Verite si je mens” ! »
Aux grands maux, les grands remedes : pour mettre fin a J’ai ritournelle des questions embarrassantes, Sarah a demande a l’un de ses contacts Tinder de jouer le role du gendre ideal. Costume, fleurs, compliments a la belle-mere, le Jules factice s’est amuse a sortir le grand jeu, avant d’etre gave comme une oie de succulentes patisseries et interroge sur le ascendance jusqu’a la troisieme generation.
« Cela a tellement bien joue le jeu qu’a la fin d’la fi?te, on s’est engueules tel 1 vieux couple », s’amuse la jeune copine.
Cela aurait pu devenir une belle histoire n’en sera jamais une. « Cela etait vraiment super mal loti par la nature », deplore-t-elle.