Trois livres parus coup concernant coup decryptent la melancolie des celibataires, entre pression sociale et zapping emotionnel.
Tinder, Meetic, Bumble, Happn, Hinge…
Depuis un an, en l’absence de bars, de salles de sport ou de clubs ou se draguer, les applications de rencontres seront devenues l’unique recours de millions de celibataires. Une position inedite qui a engendre le lot de rendez-vous etranges – en plein milieu de l’apres-midi, sur votre banc public et masques –, ou de situations delicates en raison du couvre-feu – « Dois-je vraiment aller chez ce type que je connais seulement depuis une heure ? » – entrainant une lassitude grandissante selon la plupart des celibataires que nous avons interviewes. Un malaise temporaire qui passera une fois le deconfinement acte ? Rien n’est moins sur. Des specialistes mois, des ouvrages ecrits par de jeunes trentenaires decrivent une nouvelle forme d’ultra-moderne solitude : « Nos c?urs sauvages » (ed. Arkhe), enquete une journaliste France Ortelli, « J’ai Nouvelle Education sentimentale » (ed. Albin Michel), autofiction signee Guillaume Devaux, par endroits problematique a quelques endroits sur la question du consentement ou de l’IVG notamment, ainsi,, enfin, « Dating fatigue » (ed. de L’Observatoire), passionnant recit narratif a J’ai toute premiere personne de Judith Duportail. Trois documents et un meme constat : la « pure » rencontre semble 1 horizon inatteignable, comme 1 mystere dont on aurait perdu les cles Afin de de bon. Et cette question en toile de fond : serait-ce la fin de l’Amour ?
« A un moment, j’ai fera moi-meme tel votre burn-out emotionnel, nous explique Judith Duportail, deja remarquee Afin de son enquete “L’Amour sous algorithme” parue en 2019 (ed. Goutte d’Or).
Notre “dating fatigue”, c’est votre melancolie amoureuse du XXIe siecle qu’on ressent au milieu des applis de rencontres. Elles ont d’abord cree chez nous une certaine euphorie : on s’est dit naivement qu’on allait pouvoir rencontrer beaucoup d’individus, que ca allait faciliter des vies, qu’on pourrait i?tre bon nombre moins seuls. En realite, on experimente une nouvelle version en solitude. Enchainer les “dates” ne suffira pas pour entrer en connexion au milieu des autres. On reste foutu en echec en perma-nence, c’est bien pire ! » Sans compter que, d’apres l’auteure, les applis ont egalement multiplie de facon exponentielle les incivilites amoureuses, les situations deroutantes, « l’ensemble des petites formes de cruaute d’aujourd’hui comme le ghosting. On va pouvoir passer une super-soiree avec un homme, puis, en arrivant chez nous, on realise qu’il nous a bloque concernant l’appli pour disparaitre, litteralement ». Autant de revers qui generent anxiete et souffrance. « Je n’arrive pas a me blinder, nous confie Sophie, 34 annees. Je sais qu’on ne est en mesure de jamais plaire a tout le monde, mais chaque fois qu’une “date” n’aboutit pas, je me remets en question – “Pourquoi ne lui ai-je nullement seduit ?”, “Qu’ai-je fera de travers ?” –, alors meme que le mec ne me plaisait gui?re. » Un stress qu’on retrouve a l’ensemble des etapes du « jeu », selon i§a : « quand on reste en attente d’une pure histoire, les applis ressemblent a 1 ascenseur emotionnel qui pompe beaucoup d’energie. Il convient swiper, designer parmi des centaines de profils standardises, repondre a l’integralite des sollicitations, tomber sur a chaque fois les bonnes punchlines, se vendre, puis l’angoisse monte avant la retrouve au point que bon nombre du temps, je n’ai meme plus le desir d’y aller. Sur place, j’suis souvent en mode robot a debiter analogues repliques cliches. Bref, je me sens epuisee. » Lassitude, repetition, fatigue seront des mots qui reviennent souvent chez nos temoins, jeunes filles comme hommes. « Je dirais meme que i§a me plonge dans un profond etat de tristesse, abonde Nathalie, 41 ans. J’ai bien eu plusieurs histoires sympas avec des garcons rencontres via Internet mais tout l’fait codifie, sinistre, ce qui devrait etre une source de joie devient une punition. »