Seduit par son charisme, un mentaliste a la retraite accepte de lui enseigner le metier… Guillermo del Toro compose le portrait d’un arnaqueur en quete de fortune ainsi que gloire, ronge par les tourments de son passe, incarne par Bradley Cooper, transfigure. Resultat : votre somptueux film noir en couleurs a la photographie et a la direction artistique eblouissantes, qui reunit le tandem glamour de Carol (2015), de Todd Haynes : Cate Blanchett en femme fatale facon Veronica Lake et Rooney Mara en ingenue. Cette adaptation tres envoutante du livre de William Lindsay Gresham orchestre l’ascension et Notre chute d’un charlatan commande au piege de le propre jeu de dupes dans un conte moral qui depasse les archetypes, en depit de divers longueurs. S.B.
Ils font cinquante ans, le lynx boreal fut reintroduit dans les montagnes du Jura. Au coeur de somptueux paysages enneiges, Laurent Geslin reste parti i propos des traces du discret felin Afin de etudier le mode de vie en foret, au milieu des cerfs, renards, sangliers, chamois ou lapins. Comme le recent documentaire La Panthere des neiges, de Vincent Munier, votre documentaire invite a la contemplation tout d’un predateur fascinant. Les commentaires pedagogiques seront accessibles a toute la famille. Un recit qui provoque l’emerveillement et appelle, avec sincerite et emotion, a Notre conservation de l’espece. S.B.
The Chef
De Philip Barantini, avec Stephen Graham, Vinette Robinson, Jason Flemyng. 1h24.
L’existence de cuisinier n’est gui?re que recettes et recompenses. Lui-meme ancien chef, Philip Barantini depeint l’envers du decor avec ce film prouesse : un plan-sequence au plus pres d’la pression en cuisine. A Londres, lors d’la grosse soiree du vendredi avant Noel 
, on suit la brigade d’la salle aux fourneaux, des commis aux serveurs, a mesure que finir de feu monte et que les ennuis s’accumulent (peut-etre trop?) : critique gastronomique, instagrameurs, clients racistes ou allergiques, inspecteur de l’hygiene zele, directrice de salle incompetente, addictions. Vif, rythme, bien joue : votre excellent menu. C.L.
Memory Box
De Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, avec Rim Turki, Paloma Vauthier, Clemence Sabbagh. 1h42. Sortie mercredi.
A la fois plasticiens exposant partout dans le monde et cineastes oscillant librement du documentaire a Notre fiction, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige suivent votre chemin singulier. Reveles avec j’ai envie voir (2008), avec Catherine Deneuve dans son propre role – celui d’une star decouvrant 1 pays ou n’importe qui la connait alors qu’elle n’y connait personne –, ils reviennent avec le touchant Memory Box, qui lui fera en direct echo avec votre replique portee avec sa jeune heroine : “j’ai envie savoir.”
Alex, adolescente montrealaise, ne regroupe gui?re pourquoi sa mere, d’origine libanaise, rechigne a ouvrir la boite de souvenirs qu’elle a recue de Beyrouth a la suite du deces d’une amie. S’autorisant a fouiller, en douce, ladite boite, elle decouvre tout un pan de sa memoire familiale jusque-la tenu secret. Car la tante, plus traumatisee et plus survivante qu’il n’y parait, refuse de parler. Par la fiction, et par le biais d’accessoires documentaires puises dans leurs propres journaux perso (cahiers, cassettes, photos), Hadjithomas et Joreige rembobinent une affaire qui est en fait la leur : celle du Beyrouth des annees 1980, ravage par la guerre et devenu invivable.
Astucieux, un dispositif les incite a s’emparer des archives pour les faire cheminer, au gui?re du recit, de Montreal aujourd’hui par Beyrouth autrefois. Imagination aidant, ces traces eparses finissent avec prendre vie a l’image, a J’ai maniere d’un feu d’artifice. Elles avivent une desir d’en savoir davantage via l’eclairage, bribe avec bribe, du passe cache de Maia, la tante.
A la fois melodramatique et ancre dans la realite, le week-end captive d’autant plus qu’il finit avec ramener nos deux cineastes dans leur ville d’origine avec leur heroine fictive. Et dans ce trajet singulier, le regard, beaucoup que charge de drames et de defaites, est celui d’une reconciliation heureuse d’une mere et de sa fille. D’une cousine avec son passe. Alexis Campion
L’amour c’est mieux que l’existence **
De Claude Lelouch avec Sandrine Bonnaire, Gerard Darmon, Ary Abittan, Philippe Lellouche. 1h55.
Parce que un meilleur ami Gerard est condamne par un cancer, Philippe et Ary decident de lui offrir une derniere belle histoire d’amour. Ils engagent une call-girl qui en a vu d’autres. Les films de Lelouch seront un peu tel les grands vins : on voit des cuvees sans surprise et des crus exceptionnels. Avec ce 50e opus, premier volet d’une trilogie consacree a l’amour, l’amitie et l’argent, on trouve ce que le cineaste a l’energie bluffante sait faire de mieux : diriger des acteurs et orchestrer une histoire foncierement romanesque qui raconte quelque chose de notre societe. Un nouveau tourbillon d’une vie plein d’optimisme et d’autocitations ou s’invitent une angoisse pregnante en mort et une dimension religieuse desarmante, incarnee avec un Christ et un Diable beaucoup caricaturaux. B.T.
L’espace d’une nouvelle **
D’Aurelia Georges, avec Lyna Khoudri, Sabine Azema. 1h52.
Pendant la Premiere Guerre mondiale, une fille d’la rue usurpe l’identite de la jeune femme decedee et apparai®t chez la riche bienfaitrice de celle-ci. Librement qui convient du roman anglais Passion et repentir de Wilkie Collins, ce film d’epoque a Notre croisee du drame social et du thriller tend votre miroir a la notre, ses inegalites cela qu’elles poussent a commettre. Un propos moderne qu’habille une mise en scene simple mais soignee. J’ai realisatrice menage le suspense tout en tissant avec finesse votre amour filial reposant dans le mensonge. Et confere votre supplement d’ame a votre jeu de dupes auquel se pretent des comediennes impeccables. Bap.T.
Tendre et saignant **
De Christopher Thompson, avec Geraldine Pailhas et Arnaud Ducret. 1h21.
A J’ai fond de le pere, la redactrice en chef d’un magazine de mode herite en boucherie familiale. L’employe qui assure la succession n’est autre que le dernier coup de coeur dans Tinder… Apres Barbaque (2021), voici un autre film qui s’ancre dans le commerce en viande. Cette fois, il s’agit de la comedie romantique, au scenario certes cousu de fil blanc avec le lot de quiproquos et de trahisons mais qui possede un charme fou grace a le formidable duo d’acteurs. S.B.
Mes lecons persanes **
De Vadim Perelman, avec Nahuel Perez Biscayart, Lars Eidinger. 2h07.
Dans un camp de concentration, un jeune deporte pretend etre persan pour sauver une peau. Un SS attire par l’Iran lui demande alors de lui savoir le farsi. Aussi abracadabrant soit-il, votre recit s’inspire de differents faits reels. Notre realisateur parvient a instaurer une tension constante malgre sa mise en scene beaucoup sage. C’est dans l’etrange relation qui se noue entre les deux protagonistes que reside l’interet de ce film brillamment incarne par Lars Eidinger et Nahuel Perez Biscayart, dont les carrures opposees evoquent celles tout d’un ogre ainsi que sa proie. Bap.T.